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Les contrats de franchise internationale sont soumis à un cadre juridique complexe visant à prévenir les pratiques anticoncurrentielles. Les autorités de la concurrence, tant au niveau national qu’international, disposent d’un arsenal de sanctions pour réprimer les abus. De lourdes amendes aux injonctions structurelles, en passant par la nullité des clauses litigieuses, les conséquences peuvent être dévastatrices pour les réseaux de franchise. Cet encadrement strict vise à préserver l’équilibre entre les intérêts des franchiseurs, des franchisés et des consommateurs sur les marchés mondiaux.
Le cadre juridique applicable aux pratiques anticoncurrentielles dans la franchise internationale
Les contrats de franchise internationale sont soumis à un ensemble complexe de règles visant à encadrer les pratiques anticoncurrentielles. Au niveau européen, le règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux fixe le cadre général. Il définit notamment les clauses considérées comme des restrictions caractérisées de concurrence, telles que l’imposition de prix de revente ou certaines formes de protection territoriale absolue.
Aux États-Unis, la Federal Trade Commission et le Department of Justice appliquent les dispositions du Sherman Act et du Clayton Act aux réseaux de franchise. Ces textes prohibent notamment les accords ayant pour objet ou pour effet de restreindre le commerce entre États.
Au niveau national, de nombreux pays ont adopté des législations spécifiques à la franchise, comme la loi Doubin en France. Ces textes imposent des obligations d’information précontractuelle et encadrent certaines clauses sensibles comme les clauses de non-concurrence post-contractuelles.
Les autorités de concurrence disposent de larges pouvoirs d’enquête pour détecter les pratiques anticoncurrentielles dans les réseaux de franchise. Elles peuvent notamment effectuer des perquisitions, saisir des documents et auditionner les dirigeants. La coopération internationale entre autorités s’est renforcée ces dernières années pour lutter contre les pratiques transfrontalières.
Principales pratiques anticoncurrentielles sanctionnées
- Fixation des prix de revente
- Restrictions territoriales absolues
- Clauses d’approvisionnement exclusif abusives
- Échanges d’informations sensibles entre franchisés
- Abus de position dominante du franchiseur
Les sanctions pécuniaires : des amendes potentiellement colossales
Les sanctions pécuniaires constituent l’outil de dissuasion privilégié des autorités de concurrence pour réprimer les pratiques anticoncurrentielles dans les contrats de franchise internationale. Le montant des amendes peut atteindre des sommes colossales, calculées en pourcentage du chiffre d’affaires mondial des entreprises concernées.
Au niveau européen, la Commission européenne peut infliger des amendes allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial du groupe auquel appartient l’entreprise en infraction. En 2019, elle a ainsi sanctionné le groupe hôtelier Meliá à hauteur de 6,7 millions d’euros pour avoir restreint les ventes passives entre pays de l’Union européenne dans ses contrats de franchise et de gestion.
Aux États-Unis, les amendes peuvent être encore plus élevées. En vertu du Sherman Act, les infractions peuvent être sanctionnées jusqu’à 100 millions de dollars, voire davantage si le double du gain illicite ou de la perte subie par les victimes est supérieur. En 2020, le Department of Justice a ainsi obtenu une amende record de 5,5 milliards de dollars contre Facebook pour abus de position dominante, incluant des pratiques liées à ses accords de franchise commerciale.
Au niveau national, les montants varient selon les pays mais peuvent également atteindre des sommes considérables. En France, l’Autorité de la concurrence peut infliger des sanctions allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial du groupe. En 2015, elle a ainsi sanctionné Booking.com à hauteur de 1,2 million d’euros pour des clauses de parité tarifaire imposées aux hôtels franchisés.
Facteurs pris en compte dans le calcul des amendes
- Gravité de l’infraction
- Durée des pratiques
- Chiffre d’affaires réalisé sur les produits concernés
- Degré de coopération avec les autorités
- Récidive éventuelle
Les injonctions et engagements : des remèdes comportementaux et structurels
Au-delà des sanctions pécuniaires, les autorités de concurrence disposent d’un large éventail d’injonctions et d’engagements pour mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans les contrats de franchise internationale. Ces remèdes visent à modifier durablement le comportement des entreprises, voire leur structure même.
Les injonctions comportementales consistent à ordonner aux entreprises de cesser certaines pratiques ou d’adopter des mesures spécifiques. Dans le domaine de la franchise, elles peuvent par exemple imposer la suppression de clauses contractuelles litigieuses, la modification des conditions générales de vente ou la mise en place de programmes de conformité. En 2019, l’Autorité de la concurrence française a ainsi enjoint à Bikeurope B.V. de modifier ses contrats de distribution sélective et de franchise pour autoriser la vente en ligne de vélos Trek.
Les engagements sont des mesures proposées volontairement par les entreprises pour répondre aux préoccupations de concurrence. S’ils sont acceptés par l’autorité, ils deviennent contraignants. Dans le secteur de la franchise, ils peuvent porter sur la modification de certaines clauses contractuelles, l’ouverture du réseau à de nouveaux fournisseurs ou la limitation de la durée des contrats. En 2014, Nespresso s’est ainsi engagé auprès de l’Autorité de la concurrence française à lever les obstacles à l’utilisation de capsules compatibles dans ses machines, ce qui a bénéficié à ses franchisés et licenciés.
Dans les cas les plus graves, les autorités peuvent imposer des remèdes structurels visant à modifier l’organisation même des entreprises. Il peut s’agir de cessions d’actifs, de filialisation d’activités ou de résiliation de contrats de franchise. En 2021, la Federal Trade Commission américaine a ainsi ordonné à 7-Eleven de céder plus de 200 points de vente suite au rachat de Speedway, afin de préserver la concurrence sur le marché des magasins de proximité franchisés.
Exemples d’injonctions et d’engagements dans le secteur de la franchise
- Modification des contrats-types de franchise
- Ouverture du réseau à de nouveaux fournisseurs
- Limitation de la durée des contrats
- Suppression des clauses de non-concurrence post-contractuelles
- Mise en place de programmes de conformité
La nullité des clauses et contrats : une épée de Damoclès pour les réseaux
La nullité des clauses ou contrats entachés de pratiques anticoncurrentielles constitue une sanction redoutable pour les réseaux de franchise internationale. Elle peut être prononcée par les juridictions civiles ou commerciales, sur demande d’un franchisé ou d’un tiers, voire d’office par le juge.
La nullité peut frapper des clauses spécifiques du contrat de franchise jugées anticoncurrentielles. Il peut s’agir par exemple de clauses d’exclusivité territoriale absolue, de clauses de non-concurrence post-contractuelles excessives ou de clauses imposant des prix de revente. En 2015, la Cour de cassation française a ainsi annulé une clause d’approvisionnement exclusif imposée par Buffalo Grill à ses franchisés, la jugeant disproportionnée.
Dans les cas les plus graves, c’est l’intégralité du contrat de franchise qui peut être frappée de nullité. Cette sanction radicale intervient notamment lorsque l’objet même du contrat est anticoncurrentiel ou lorsque le consentement du franchisé a été vicié par des pratiques trompeuses. En 2019, le Tribunal de commerce de Paris a ainsi prononcé la nullité de plusieurs contrats de franchise Subway, estimant que le franchiseur avait fourni des informations précontractuelles mensongères sur la rentabilité du concept.
Les conséquences de la nullité sont dévastatrices pour le réseau de franchise. Elle entraîne la disparition rétroactive du contrat, obligeant les parties à se restituer mutuellement leurs prestations. Le franchisé peut ainsi réclamer le remboursement des droits d’entrée et redevances versés, tandis que le franchiseur peut exiger la restitution du savoir-faire transmis. En pratique, la mise en œuvre de ces restitutions s’avère souvent complexe.
Effets de la nullité pour pratiques anticoncurrentielles
- Disparition rétroactive du contrat
- Restitution des prestations réciproques
- Dommages et intérêts éventuels
- Perte du droit d’agir en contrefaçon
- Risque de contagion à d’autres contrats du réseau
Vers une responsabilisation accrue des acteurs de la franchise internationale
Face à la sévérité croissante des sanctions pour pratiques anticoncurrentielles, les acteurs de la franchise internationale sont contraints de renforcer leurs dispositifs de prévention et de détection des risques. Cette tendance s’inscrit dans un mouvement plus large de responsabilisation des entreprises en matière de conformité.
Les franchiseurs mettent en place des programmes de conformité sophistiqués, incluant des formations obligatoires pour leurs équipes et leurs franchisés, des audits réguliers et des procédures d’alerte interne. Certains vont jusqu’à créer des postes dédiés de compliance officers spécialisés dans le droit de la concurrence. En 2020, le groupe Accor a ainsi nommé un Chief Compliance Officer chargé de piloter la conformité de ses contrats de franchise et de gestion au niveau mondial.
Les franchisés sont également incités à une plus grande vigilance. Les associations de franchisés jouent un rôle croissant dans la sensibilisation de leurs membres aux risques concurrentiels. Elles n’hésitent plus à saisir les autorités en cas de pratiques suspectes. En 2021, l’Association des Franchisés Carrefour a ainsi alerté l’Autorité de la concurrence française sur des soupçons de prix imposés.
Cette responsabilisation passe aussi par un renforcement de la coopération entre acteurs de la franchise. De plus en plus de réseaux mettent en place des comités d’éthique mixtes, associant franchiseur et franchisés, pour prévenir les risques concurrentiels. Certains vont jusqu’à intégrer des clauses de conformité dans leurs contrats, prévoyant des audits conjoints et des procédures de remédiation en cas de manquements.
Bonnes pratiques pour prévenir les risques concurrentiels
- Formation continue des équipes
- Audits réguliers des contrats et pratiques
- Procédures d’alerte interne
- Comités d’éthique mixtes
- Clauses de conformité dans les contrats
